B�nabar
En un peu plus d�une douzaine d�ann�es, B�nabar est devenu l�un des chanteurs fran�ais les plus populaires de sa g�n�ration, l�incarnation de la �nouvelle sc�ne� actuelle. S�il enregistre d�sormais un album tous les deux ans et demi, chaque tourn�e lui prend un gros tiers de son temps. Artiste citoyen, explorant au quotidien � les choses de la vie � (il adore le cin�aste Claude Sautet) de chroniques en portraits, par le biais d�un langage imag�, empreint d�humour et parfois proche du dialogue, il s�inscrit dans la lign�e d�une chanson cr�ative de � vari�t� � dont les glorieux a�n�s s�appellent d�abord Higelin, Renaud et Delpech ; Brel, Bashung, Souchon et Cie n��tant pas loin. Apr�s le succ�s consid�rable de Reprise des n�gociations, son quatri�me album studio de 2005, ce qui frappe chez lui aujourd�hui, en plein lancement de son nouvel opus, Infr�quentable, c�est son souci de relativiser, de rester responsable, d�cent, en � privil�gi� � qu�il a constamment conscience d��tre.
Bruno Nicolini, le futur Bénabar, est né en juin 1969 en banlieue sud de Paris. Peu attiré par le cadre scolaire et les études, il est fasciné pêle-mêle dès l’enfance par les clowns, le cirque et la trompette à laquelle il s’initie dès l’âge de huit ans. Chez lui, on n’est guère mélomane, même si sa mère écoute à l’occasion de la musique classique et si l’on trouve des disques des « grands » de la chanson comme Brel et Brassens. Au terme d’une scolarité « sans heurts » mais avec « l’objectif de se barrer le plus vite possible », Bruno décroche son bac et intègre alors pendant six mois une High School aux États-Unis pour apprendre l’anglais. Déjà, il subodore que son activité future se situera dans le domaine de l’écriture.
Suit un trimestre non concluant d’apprentissage photographique après lequel il s’oriente vers le cinéma où son père est régisseur : « Je crois que j’y suis allé par facilité : quand son père est plombier, on suit un stage de plomberie. Il nous a fait travailler mes deux frères et moi comme stagiaires [l’aîné a persisté dans le milieu, l’autre a bifurqué vers les Beaux-Arts, Ndlr] et ça s’est produit très naturellement. Ensuite, m’est venue l’envie de raconter des histoires à partir du cinéma, qui reste quand même l’outil le plus complet pour cela, avec la musique, le son, l’image, la comédie. »
À dix-neuf ans, le cadet des Nicolini débute donc comme régisseur-stagiaire ; il va passer dans ce milieu une huitaine d’années, réalisant un premier court métrage dès la saison suivante, Nadaleza, l’histoire de deux copains (déjà !) qui volent un bijoutier et « se font choper ». Il en concoctera deux autres, le deuxième, José-Jeannette 2, étant primé à plusieurs reprises ; l’échec du troisième et les difficultés rencontrées pour monter un long métrage le pousseront à quitter les chemins du grand écran pour emprunter ceux de la chanson.
Duo et associés
Parallèlement, le jeune homme a griffonné ses premiers couplets et refrains, à l’intention d’un copain de passage à Paris qu’il héberge. Il s’appelle Patchol. De dix ans son aîné, il est musicien, guitariste, et a joué dans différents groupes de rock. Il cherche des textes et Bruno s’est mis au travail. Comme il pianote un peu, il compose de surcroît quelques mélodies et le duo Patchol et Bénabar (anagramme renversant de Barnabé, nom d’inspiration clownesque) voit le jour.
Pendant ses deux années d’existence, il va écumer les petits lieux divers et variés de la capitale. Plutôt d’esprit comique, « avec un côté très assumé de duo », le spectacle comporte quelques morceaux « engagés », tel Sept ans de malheur sur l’élection de Jacques Chirac à la Présidence de la République. Quelques cassettes du tandem Patchol et Bénabar seront vendues à la fin des concerts, avant que chacun n’emprunte sa route personnelle 3.
En 1996, celle de Bénabar passe par un groupe ou plus précisément un trio, en compagnie d’Yves Dougin (contrebasse, guitare) et Denis Grare (accordéon, saxophone) qui donnent volontiers du chœur. C’est Bénabar & Associés, le premier n’ayant pas envie à l’époque « d’être le chanteur avec l’orchestre derrière ». Quand le disque intitulé La P’tite Monnaie est enregistré et mixé en août de l’année suivante [cf. Chorus 24, p. 44], nos trois loustics ont déjà un nombre impressionnant de concerts dans les pattes : « On a suivi le parcours le plus naturel, le plus simple et le plus agréable. On a eu un petit public, confidentiel mais assez assidu, avec une véritable écoute. »
DANIEL PANTCHENKO
Photo : Francis Vernhet/Chorus