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Coups de coeur Chorus

Alain Souchon

Ecoutez d'o� ma peine vient

Rêveur – Les saisons – Écoutez d’où ma peine vient – Elle danse – La compagnie – 8 m2 – Parachute doré – Sidi Ferouch – Oh la guitare ! – Bonjour tristesse – Popopo.

(41’19 – Virgin)
 

De longues hésitations ont entouré cette sortie [voir Chorus 65, En studio], entre autres à cause de l’incertaine collaboration de Laurent Voulzy. Souchon a même failli intituler l’album Sans Lorenzo. Mais ç’eût été dommage de nous priver de Popopo, musique chaloupée pour une mise au point historique. Si l’on nous dit que le « Che » Guevara, adulé à travers le monde depuis quarante ans – cf. l’omniprésent poster –, était en vérité un parfait salaud, prêt à assassiner au nom de la révolution, « ça le fait pas », comme on dit aujourd’hui. Mais si Souchon nous chante que « pour un monde plus cool / Il faut bien que le sang coule », on a pigé tout de suite. Comme un écho au Tonton Georges et à Mourir pour des idées. Brassens au 22 septembre duquel, sans le dire, renvoie Les Saisons.
C’est cela, la grandeur de la chanson. Celles de Souchon, comme celles de Brassens, sont des bombes à retardement. Parachute doré (avec la collaboration d’un vieux complice, David McNeil) en est une autre : « Adieu Château Petrus en costards Lanvin / Adieu les jolies putes russes dans les Mystère 20 » ; question d’actualité encore plus brûlante que prévu au moment où celle-là s’écrivait. Un exemple encore, les  8 m 2 d’une cellule pour une qui est tombée par amour : « Va voler la lune en hélico / Elle lui volait la lune illico. »
Souchon n’assène pas, il suggère, ainsi « la vie un peu hindoue » du Rêveur, en ce temps où « du café du coin jusqu’aux antipodes / La vie vaut moins cher qu’un I-pod ». Sa peine vient de la peur du vieillissement, de la mort, de la fin d’un amour ou d’un idéal. Quand Elle danse, la femme africaine retrouve la dignité égale de l’homme de C’est Déjà ça : « D’un boubou bien habillée / Et pour ne pas oublier / Elle danse sous les peupliers. » L’écriture est épurée, la musique discrète et sophistiquée ; elle fait chanter la guitare d’Aragon. Comme le nouvel arrangement de Bonjour tristesse, œuvre passée inaperçue dans La Vie Théodore. Souchon ne se répète pas, il donne la piqûre de rappel. « Comme je suis l’homme élégant »… oh oui, infiniment.


 Jacques Vassal

Ma solitude
par Fred Hidalgo lire l'édito