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Coups de coeur Chorus

Alexis HK

Les affranchis

Les affranchis – Chicken manager – La fille du fossoyeur – Maudits Anglois – La maison Ronchonchon – Zouzou – C’est le printemps – Là c’est moi – Thanks for the add – La paix des étoiles – Les sages – Pardon, vieux camarade.
(43’14 – La Famillia/L’Autre Distribution)

 

On aime un artiste, on attend de lui qu’il fasse de très bonnes chansons, que son disque soit habile, profond et généreux, qu’il ait des idées singulières et qu’il sache bien s’entourer. Et puis, parfois, c’est mieux. Alexis HK, que l’on a toujours aimé [voir Chorus 63, Duo d’artistes], sort un album très au-delà de tout ce que l’on attendait, très au-delà des envies qu’il avait suscitées jusqu’à présent. Dans les albums Belle ville puis L’Homme du moment [cf. Chorus 42, p. 48, et 50 p. 29], il avait fait entendre une fantaisie sarcastique, une émotivité volontiers distanciée, un sens affirmé du conte noir et de la contemplation grise. Gros talent, donc, mais peut-être pas la première place du peloton. Et voici que, ayant quitté sa grosse maison de disques, il sort douze chansons d’une force et d’une poésie qui le classent bien au-dessus du lot – oui, Les Affranchis est un des meilleurs albums français de ce début d’année.
On a beaucoup reproché à sa génération de ne pas savoir regarder autre chose que son nombril, ou de se laisser aller aux recettes sommaires de la pop music contemporaine. Ce disque le place à la fois chez les continuateurs de Joe Dassin et chez les héritiers d’Yves Simon, dans la tradition du refrain tenace et dans celle des couplets virtuoses, dans la famille de Vincent Delerm et dans celle de Bénabar, dans le périmètre culturel des étudiants de Sciences-Po et dans celui des trentenaires en CD…
Cet héritier assumé de l’écriture de Brassens est aussi à la confluence de plusieurs familles de la chanson d’aujourd’hui : Matthieu Ballet (Miossec, Fersen, Bashung, Ignatus…) a produit l’album, R-wan de Java, Lise Cherhal et Nicolas Jailllet ont écrit avec lui. Les arrangements jouent le dépouillement et les surprises instrumentales. Alexis HK regarde notre époque avec son sourire en coin ravageur (Thanks for the add, en duo avec l’ami Renan Luce), il manie la mélancolie avec une émouvante efficacité (Là c’est moi, C’est le printemps), il sait masquer son regard politique sous un vrai talent de fabuliste (Chicken manager) et il a le sens du tube (La Maison Ronchonchon, prodige d’enfance, d’invention et d’alacrité).
Formellement, il a élargi sa palette, du reggae à une sorte de rap laid-back, d’humeurs bréliennes à une écriture mi-folk, mi-Kosma. Mais, sous la ductilité parfaitement assumée de ses inspirations, il y a beaucoup plus qu’un chanteur qui fait le malin. Répétons qu’il fait penser à Dassin : comme le bel Américain de Paris jadis osait Taka takata autant que Marie-Jeanne, Alexis HK est à la fois secret et simple, léger et grave, codé et évident, actuel et intemporel. On reste longtemps troublé par la nostalgie insondable de Là c’est moi et les amateurs de calembours crétins aimeront entendre un kazoo quand il chante «Penses-y au cas où» dans Thanks for the add.

 

 

Berrtrand Dicale
 

Le monde change de peau
par Fred Hidalgo lire l'édito