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AFP - CHORUS

L'Institut de musique de Bagdad retrouve son rythme

Un luth � la main, des �l�ves se h�tent dans un couloir, d'autres conversent en riant dans le patio ensoleill�: l'Institut d'�tudes musicales de Bagdad retrouve son rythme apr�s un long silence.

Jupe en jean et escarpins � talons, Hazar Bassem, 20 ans, r�p�te patiemment sur sa vielle � pique. Pendant les "�v�nements", nom pudique donn� par les Irakiens � la vague d'attentats meurtriers qui suivit l'invasion de 2003, elle fut l'une des rares � fr�quenter l'Institut.

"Nous avons fait le jihad avec la musique", lance malicieusement Hazar, qui habite rue Ha�fa, l'une des art�res les plus dangereuses de Bagdad � l'�poque.

"Cette ann�e, c'est la premi�re fois que l'Institut revient � la normale", ajoute-t-elle.

Install� dans une belle b�tisse en pierre datant des ann�es 1940, l'Institut a d'abord �t� victime de sa proximit� avec le si�ge des t�l�coms irakiens, �ventr� en 2003 par les bombardements de la coalition men�e par les Etats-Unis.

Mais les musiciens ont surtout souffert des pillards et des milices, sunnites ou chiites, qui imposaient leur loi � une partie de Bagdad.

"Les vitres ont �t� bris�es, les portes arrach�es, les livres de la biblioth�que d�chir�s et jet�s � l'entr�e. On aurait dit un tremblement de terre", assure son directeur, Sattar Naji.

Restaur� avec l'aide de l'Unesco, l'Institut a retrouv� son lustre d'antan, mais nombreux sont les pupitres poussi�reux restant d�sesp�r�ment vides.

"Des camarades ont �t� tu�s ou enlev�s. Nous n'avons toujours aucune nouvelle de certains d'entre eux", dit Hazar.

La soixantaine d'�tudiants, contre plus de 120 en 2003, a commenc� � revenir d�but 2008, apr�s la baisse des violences qui a suivi le plan de s�curit� am�ricano-irakien.

Fix�e auparavant � 18 ans, la limite d'�ge a �t� supprim�e pour attirer plus de passionn�s de musique.

Le cursus est de cinq ans, pendant lesquels les �l�ves se sp�cialisent dans un ou plusieurs instruments arabes, comme le nay (fl�te oblique en roseau) et le santour (cithare sur table). Ensuite, ils doivent terminer leurs �tudes � l'Acad�mie des Beaux-Arts de Bagdad.

Dans la cour, des �l�ves jouent du oud, le luth oriental, assis sur le rebord d'une fontaine o� l'eau ne coule plus. Les filles, jadis aussi nombreuses que les gar�ons, se comptent sur les doigts d'une main.

Mais la bonne humeur r�gne, et la musique s'�chappe de nouveau des fen�tres, rempla�ant les cr�pitements des balles et les explosions qui secou�rent le quartier.

Et comme avant, les �l�ves, marchant sur les pas de Mounir Bachir, l'"�mir du oud" form� ici, rejouent inlassablement les classiques du "maqam", la musique traditionnelle iranienne.

"Ils sont tellement enthousiastes qu'ils viennent m�me les jours f�ri�s et les vacances", se r�jouit le directeur.

Sa�f Salmane, 20 ans, opine du chef. "Je viens tous les jours. Ma famille s'inqui�te mais maintenant, au moins, je peux sortir sans crainte avec mon oud", affirme-t-il. Il n'y a pas si longtemps, porter un instrument en pleine rue pouvait signifier la mort pour les artistes.

"Tout ce que nous pouvions faire pendant cette p�riode noire, c'�tait nous cacher", affirme M. Naji.

Pour Saad Alaeddine, 21 ans, les souvenirs sont trop douloureux. "Je ne veux pas en parler", l�che-t-il en baissant les yeux.

Le jeune homme pr�f�re montrer la vielle � pique qu'il a fabriqu�e: "Une noix de coco, des vis, des coquillages pour faire joli et voil�", sourit-il avant de rejoindre son cours.

BAGDAD, 22 f�v 2009 (AFP)

Ma solitude
par Fred Hidalgo lire l'édito